le mardi 2 mai
Escapade en Normandie le week-end dernier. Samedi après-midi j’ai passé deux heures allongé sur le gravier de la plage de Dieppe, la baladeur relié aux oreilles, dormant. Calme immense confié par la mer. J’étais bien. J’avais besoin de sortir de Paris et voir la mer.
Mon parrain me montre la côte depuis les falaises, l’enclave de Dieppe, l’entrée du port. À la maison nous parlons un peu de la famille, ça me fait quelque chose de boire du whisky parce que je n’en ai pas bu depuis longtemps - et pourtant j’aime le whisky - et aussi le goût et la matière du saucisson. Le vin, le fromage.
Du moment où j’ai débarqué du train j’ai commencé à me détendre.
Dans la cuisine le chat qui d’habitude ne se laisse approcher que par ma tante tolère que je le caresse. Qu’est-ce que les animaux sentent des hommes ?
Nous allons fermer les écuries. Les chevaux viennent passer leur bonne tête hors du box, hument la main qu’on leur tend, les chevaux ont cet air d’interrogation sans jugement (et je pense alors à l’une des deux choses de la promesse de l’aube que je n’oublierai jamais : il y a une question dans les yeux des animaux), cet air de seulement attendre le bon geste s’il veut venir. Il attendent, là, superbes, puissants au point que cette puissance a quelque chose d’un peu effrayant (je me méfie d’un mouvement inattendu dont ils ne s’apercevraient probablement même pas), ou peut-être me donnent-ils aussi l’image d’une certaine solitude, celle des fidèles ; j’aurais pu rester des heures à ce contact ; ce bouleversement que me produit l’existence des animaux, par leur présence, est une des très rares choses restée intacte de moi enfant.