le dimanche 20 août
A m’appelle vers onze heure du matin. Ça n’est pas dans ses habitudes, et depuis Le Mans vingt-sept octobre j’ai toujours une angoisse qui revient face à un téléphone qui sonne à une heure inhabituelle : tard dans la nuit ou tôt le matin ; mais A m’appelle pour me dire que l’enfant est né dans la nuit ! à quatre heure du matin précise-t-il, et d’ajouter que C va très bien, tout s’est très bien passé. Je voudrais pouvoir me téléporter pour les serrer dans mes bras, les fêter ! Il est né en avance mais la coïncidence est heureuse : il y a exactement un an ils se mariaient.
Dans l’après-midi à la maternité je me trouve tenant contre moi quelques instants ce petit être qui a moins de douze heures d’existence et ne semble rien peser, je le regarde faire ses premier mouvements dans le berceau, il est là, il vit, il existe. Matthieu. Je vois le regard de C posé sur lui. C qui le veille malgré la fatigue. Ce regard qui dit le lien. Le regard de A. L’enfant.
Lorsque j’étais petit mon grand-père nous appelait souvent petitou, ce qui pour moi était un mot sorti de son argot. J’ai mis longtemps à comprendre, mais c’est en voyant les jeunes enfants alors que j’ai pris de l’âge que cela a pris un sens : un petit tout, un monde entier intégré dans un être minuscule.
J’ai déjà vu et tenu des bébés, ne serait-ce que mon petit-frère lorsque j’avais quatorze quinze ans, mais jamais je crois un nouveau né, aussi léger, aussi petit, aussi fragile. Plus encore que pour les nourrissons de quelques mois ses mains, ses doigts, ses pieds, leur petitesse me fait frémir, m’interdit, tant ils ont l’air de pouvoir se briser pour un rien, une inadvertance, un courant d’air. Lorsque je les approche mes mains ont l’air énormes, tremblantes et gauches.
Il y a A, C, et maintenant ce petit tout qui dort dans son berceau, sa vie ayant quelques heures, des heures qui passent déjà à toute vitesse, et tout ça me bouleverse profondément.