JournalB.M. : Journal → 22/02/2006
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Paris,
le mercredi 22 février

Dans la fièvre je voyais malgré tout très clairement les yeux de la pharmacienne, elle se montrait taquine, avec aussi un soupçon de désinvolture, tout-à-coup je me suis trouvé face à quelqu’un qu’il me fallait irrémédiablement essayer de connaître. Tout me semblait très facile. Dans les premiers instants au café il n’y avait pas une phrase qui n’en appelle pas une autre et qui ne soit pas une digression, en aller et retour entre elle et moi, la conversation n’arrivait à se fixer sur rien comme s’il y avait une urgence de vouloir tout dire d’un coup, un affolement, une nécessité. J’étais calme, je suis souvent très calme, cela avait l’air de l’intriguer. Quelque chose en elle a continué de me plaire. Le temps est passé vite, le temps d’un chocolat chaud et d’apercevoir l’autre, maintenant, je ne sais pas si nous nous reverrons. Ça n’est pas très grave : j’ai du cœur et du désir en moi, je n’en étais plus très sûr.

Je mesure tout ce que j’arrive à faire et qui restait bloqué il y a un an. C’était très différent de voir P, vu pour la dernière fois presqu’exactement un an auparavant. Je me sentais plus disponible, ayant plus à donner ; en évoquant la disparition du père d’une de ses amies j’ai senti également à quel point cela se refermait à toute vitesse en moi, comme aspiré par la masse sombre, puis comment l’écueil a pu être éloigné en ne s’attardant pas sur le sujet. Il n’y a pas si longtemps, je sais que je n’en serais pas ressorti.

Je crois que j’ai retrouvé cette attention que les autres suscitaient chez moi. Et je pense à toutes les faillites qui viennent s’offrir, travesties, qu’il me faut sans cesse reconnaître ; je me sens plus fort, infiniment plus fort, puis parfois passent des lames irrégulières. J’ai aussi peur que ce soit encore ça, et si c’était encore ça : jusqu’à quel point je me trompe ?

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