JournalB.M. : Journal → 28/11/2005
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Paris,
le lundi 28 novembre

Depuis deux mois j’écoute Metric avec un enthousiasme qui ne faiblit pas, c’est un peu comme si la musique de ce groupe me rendait plus léger - envie de sourire, de sauter dans les pièces, de réunir les amis, de parler aux gens pour rien ou pas grand-chose, de l’énergie qui devient disponible pour tout ça - j’ai même un peu peur de ne plus être très loin de la frontière qui me sépare du statut de fan (mais il y a à franchir un grand fossé très profond, heureusement)... Alors ce soir j’ai entraîné A avec moi à leur concert, sans trop savoir ce que cela pouvait donner, j’en avais le désir.

La salle (le Trabendo) était déjà une bonne surprise avec ses deux ou trois plateaux façon amphithéâtre, entourant la scène (je pensais à S qui d’habitude ne peut pas voir grand chose aux concerts si elle n’est pas au premier rang). Nous nous sommes placés dans la fosse. Un certain bonheur, une fébrilité tout-à-coup, pendant l’attente, à se trouver là avec A dans cette attente là, le brouhaha d’avant concert d’une salle, ce bourdonnement lesté de fumée et d’un peu de bière.

Je crois que je n’avais jamais vu un concert avec autant d’énergie, de souffle, un vrai bonheur. Souvent aux concerts je suis épuisé sur la longueur, très content mais ça commence à être trop ; là, non.
Emily Haines sur scène est une bombe dont l’explosion se déroule du début à la fin, quelque chose d’une égérie, semi-réelle ; penchée au-dessus du public les mains se tendent vers elle, l’entourent mais ont l’air de ne pas oser la toucher, seulement parfois lorsqu’elle-même a tendu sa main pour quelques-unes. Tantôt lointaine, comme absorbée dans la musique en train de se faire, proche et en pleine présence de la foule, énervée, tendre, joueuse, je ne peux pas tout énumérer là, dans le fond toujours concentrée.
Le synthé rend l’âme, elle demande à couper les retours, pour tester, demande le silence. « J’aime le silence... » justifie-t-elle (en français)...

C’était très beau, ces mains de la foule qui pouvaient venir sur elle la toucher mais restaient seulement proches de son corps, ses cheveux et son visage.

Il y a les trois autres musiciens, sections solides en base de tout, plus statiques aussi mais formant justement la base solide, car il s’agit toujours de musique ici. Ce serait stupide et injuste de les oublier, surtout lorsque le groupe doit pouvoir finir un concert avec un instrument en moins, et que ça ne se remarque pas.

Final impeccable, folie ramenée au calme par une transition qui a pris son temps, improbable, réjouissante par sa pertinence. Après le dernier accord il n’y a pas eu de rappel, l’histoire a été magistralement menée à son terme et il ne vient à personne l’idée de relancer, au cinéma ça serait : de faire une suite.

Je suis toujours épaté et respectueux de ces gens qui savent faire un concert, qui en possèdent le sens particulier, c’est une chose que je tiens pour difficile et pas si courante. Le genre de la musique n’importe pas, il n’y a pas qu’une manière. Et puis moi, peut-être pour la première de ma vie, j’ai assisté à un concert pendant lequel j’ai éprouvé une joie continue presqu’inconnue, à moins que ce soit : oubliée.

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